ces textes ont été écrits en 2012 pour servir d'introduction à un site  consacré à son œuvre peinte.

Nous les reproduisons ici in extenso.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je suis né le 22 Novembre 1937 à Neuilly-sur-Seine France .

 

J'ai participé à de nombreuses expositions en France à partir des années soixante : Musée d'art moderne, Musée de l'Air et de l'Espace, et aux différents salons de l'époque : Salon d'Automne, Comparaisons, Jeune Peinture, Figuration Critique, Etc.. J'ai aussi exposé dans des galeries : Galerie Vitesse entre autres.A l'étranger, je cite d'abord la Suisse, les USA, la Suède, le Royaume-Uni, l'Allemagne et avec quelques sociétés de haute technologie un peu partout dans le monde : Japon, Amérique du Sud...

Je me suis intéressé aux machines lorsque j'étais enfant : tanks, avions, bateaux, fusées, trains, voitures.

Beaucoup plus tard j'ai compris le potentiel plastique des machines, en particulier celui des reflets et de leurs surfaces métalliques peintes ou non.

Il faut les voir pour ce qu'elles sont : des outils de la transformation du réel ; par la vitesse qu'elles procurent elles modifient le temps et l'espace.

J'ajoute que par elles-mêmes, leurs surfaces chromées, peintes, vitrées, elles déforment leur environnement et transforment l'espace jusqu'à l'anamorphose.

Je considère ces machines, en particulier les voitures et surtout les avions, comme des allégories de notre époque.

Elles sont l'un des mythes des 20-21e siècles.

J'essaie toujours de rendre évidentes ces réflexions dans mes tableaux : le choix du sujet, sa présence, sa mise en scène sont essentiels pour moi.

Donc, des compositions serrées, la diagonale qui dynamise, ou bien le choc frontal du face à face. Je recherche la géométrie pour mieux la cacher.

J'aime aussi introduire par la magie d'un reflet réel ou implanté, un tableau dans le tableau où une forme est contenue dans l'autre, et où la forme contenue est en réalité la totalité de l'objet vers la métonymie.

L'idée, c'est de donner du mouvement à l'immobile. Au delà du temps qui s'arrête, le temps figé pour la durée du tableau, le temps du regard et de la représentation, l'avion est prêt à décoller, la voiture à poursuivre sa route. Un instant, une destinée.

Très peu de couleurs, les mêmes accords, rouge, rouge-bleu, bleu-rouge-jaune, le noir toujours, une dizaine de tons...

Après la mise en place, toujours dure et âpre, la gestuelle, la même application de la brosse, nerveuse et calculée, très peu de place au hasard. Le jeu des transparences.

Il y a de l'énergie, elle attend, elle anticipe un ailleurs, un imaginaire, une légende.

 

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"Le 5 Novembre 1937 Hitler déclare vouloir rattacher au Reich les minorités allemandes, et conquérir un "Espace Vital". Je suis né le 22 Novembre 1937.
C'est un bon début ? " Le plus beau des quatre quand il est tout seul", disait mon père. Sans doute l'humour de l'époque. Nous étions quatre frères en 1941.
Il y a eu la guerre. J'ai vécu presque toutes ces années à la campagne. Dans la maison de ma grand-mère , la Villa Luciane. C'était écrit sur le pilier d'entrée du jardin. Une grande maison de style basque au milieu d'un assez grand jardin. La vue du "Bow-window" était superbe, immense sur la forêt de l'Isle-Adam, la vallée de l'Oise, et les lointains du Vexin français.
Le village s'appelle Villiers-Adam. La maison était occupée par les Allemands ! J'ai quand même joué avec un jeune soldat : Oscar. Il me lance le plus haut possible dans le ciel bleu, vers le soleil, il me rattrape dans ses bras. Le soleil comme un flash, je vole. Un jour il est parti sur le front russe. 1942 ?
Dans les carrières voisines on usinait des moteurs d'avions ; il reste encore en 2008 les bancs d'essai en béton. Dans la forêt était stocké du matériel. Les bombardements, un après-midi les avions anglais sont passés. Du balcon, les explosions à retardement ont fait surgir de féeriques nuages soufrés. Plus tard, une aile sectionnée descendait du ciel tourbillonnant comme une graine de chêne.
Il y eut tous ces combats d'avions de chasse  Messerschmitt contre Spitfires;
les flammes, la fumée noire, les parachutes, les balles traçantes sur les corps suspendus.
Je n'ai jamais oublié ces machines, ni ces hommes, ils me fascinent pour toujours.
Je me souviens d'un bombardier lourd, Libérator, revenant vers le UK, deux moteurs arrêtés, le ventre vomissant une épaisse traînée noire, des tirs allemands crachés de la forêt. L'avion répond, puis se cabre, suspendu, s'écrase et explose.
Plus tard, quand ? Avec des gamins du village nous irons sur la clairière où reposaient les débris de l'appareil. 1944 ?
J'ai ramené à la maison une mitrailleuse presque intacte.
Mes parents étaient toujours très occupés par les questions matérielles, argent, nourriture, marché noir.
La villa Luciane et cette campagne de guerre et d'après guerre, c'était une grande liberté.
Mention spéciale à ma grand-mère Manaine. Avec toute son affection et la mienne pour elle.
Traction avant Citroën 11 Légère, sa voiture dans les dernières années de l'avant-guerre. Elle au volant, elle partait au Touquet-Paris Plage. Elle est veuve à ce moment. Mr. Wallart est mort en 1937.
Elle s'y est même ensablée. C'est avec elle que ma mère, mes deux frères et moi, avons fait l'Exode. 1940. Je n'en ai aucun souvenir. Elle a perdu cette automobile au cours de la guerre. L'atelier de menuiserie de mon Grand-père près de la porte Maillot, dont il avait été exproprié ; un garage tenu par un Hongrois, Farkaz, servait de remise à cette voiture. Un officier allemand l'avait réquisitionnée. Ma grand-mère, expropriée en 1939, a été payée en 1946-47. Au sortir de cette période elle était presque ruinée. Sacré état Français !
Vous connaissez la vie de famille, surtout quand il n'y a pas d'argent. Le piano en ébène noir, mais désaccordé. Des disques, mais pas de concert. L'orgue à Saint-Pierre de Neuilly, j'aurais peut être pu faire ma musique. Plus tard, à Marrakech, j'ai improvisé sur un bon piano à queue, " Smoke get's in your eyes," " Round about midnight", des thèmes à moi aussi. Les gens écoutaient et applaudissaient. J'ai oublié le nom de cet hôtel.
Je n'ai jamais laissé qui que ce soit prendre le pouvoir dans ma vie. Il y avait ces guerres coloniales, Indochine, Algérie... L'armée, le pouvoir étatique, la quatrième, la cinquième République,
Faire la guerre après 40 et l'Occupation, il n'en était pas question. Un souffle au cœur, et je fus réformé.
J'ai participé à cette histoire, mais jamais complètement. J'étais un peu à côté, un peu ailleurs. Les existentialistes, les marxistes, peut-être ?

 

 Montaigne c'est certain."

 

 

Paris - 2012